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L’année 2011 sera marquante
Deux mille onze sera l’une de ces années déterminantes dont on se souvient longtemps. Les perspectives économiques intéressantes sur lesquelles elle s’amorce devraient confirmer la stabilité de la reprise – si tout va bien… Nous savons que nous en avons pour quatre ou cinq ans encore avant de pouvoir établir sur une base solide le nouvel ordre économique que le monde est en train de construire. La rude bataille qu’il faudra mener aura des conséquences importantes pour le Canada, et en particulier pour le Québec.
Bernard Landry nous parle de la guerre des monnaies. Depuis près de cinq ans, le commerce du Canada découvre ce qu’implique un dollar dont la valeur rivalise avec celle de son grand frère américain. Et cette situation risque de durer : le président du World Energy Council (WEC), Pierre Gadonneix, nous met en garde contre une montée importante des prix de l’énergie, et en tout premier lieu du pétrole, pour les prochains mois ; or, la valeur de notre dollar est corrélée avec le prix du baril de pétrole… Tout dépendra de la vigueur de la reprise internationale, surtout chez les puissances émergentes comme la Chine et l’Inde, devenues des moteurs économiques du monde et grandes consommatrices de formes d’énergie dont elles ne disposent pratiquement pas chez elles.
Voilà une bonne nouvelle pour le Canada, important producteur de pétrole qui met plus que jamais le Québec au défi de la productivité et de la compétitivité. Yvan Allaire et Mihaela Firsirotu, dans un dossier exclusif à Forces, nous rappellent des chiffres et des réalités significatifs quant à la position actuelle des Québécois en regard des grands enjeux de cette deuxième décennie du millénaire. Oui, il y a un revers positif à cette médaille que l’on se complaît trop souvent à nous montrer du même côté; le Québec, au-delà de ses lacunes importantes, possède bel et bien de solides assises pour faire face aux grands enjeux de la mondialisation.
Robert Dépatie, président-directeur général de Vidéotron, l’illustre fort bien dans l’entrevue qu’il donne à Guy Fournier. On a tendance à oublier qu’en parallèle aux laborieux ajustements économiques se joue une véritable révolution des communications qui offre aux citoyens l’accès à une information substantielle et instantanée sur à peu près tous les grands enjeux. Le gouvernement du Québec en a d’ailleurs fait la pénible expérience avec le dossier du gaz de schiste. Nos gouvernements, autant que nos entreprises, sont désormais obligés de trouver de nouvelles façons de rejoindre leur clientèle et de la satisfaire. L’entrevue qu’a menée Monique Grégoire auprès de John F. Barrett, président de Western & Southern Financial Group, le montre de façon éloquente.
Au Québec, on se souviendra que 2011 aura vu la mise en place de ce nouvel espace économique transatlantique si cher à son promoteur, le premier ministre Jean Charest. En effet, au moment où nous célébrons le 50e anniversaire des relations officielles entre le Québec et la France, voici que se confirme probablement pour juin prochain l’instauration d’un libre échange entre le Canada et l’Union européenne, dont on doit l’initiative à Jean Charest et au président français, Nicolas Sarkozy, qui a enclenché les négociations en 2008, à la faveur de sa présidence de l’Union européenne. Le Québec pourrait bien devenir le pilier canadien de ce pont transatlantique.
En effet, au-delà de leur orientation politique, tous les gouvernements du Québec se sont efforcés de développer un lien direct avec la France. La délégation du Québec à Paris, en dépit de moyens limités, a innové de façon remarquable en diplomatie internationale pour fonder, sur une référence culturelle commune et une coopération scientifique et économique capable de servir les intérêts des deux nations, cette relation que le Général de Gaulle qualifia de privilégiée. Disons-le franchement, ce ne fut pas facile. L’amitié est réelle, mais il n’est pas toujours évident que les cousins se comprennent bien.
Cinquante ans plus tard, en 2011, nous célébrons la grande réussite de ces relations France-Québec. De part et d’autre de l’océan, nos artistes triomphent, nos scientifiques excellent et nos entreprises investissent intensivement. Cela ne se sait pas assez : les Français sont le deuxième investisseur en importance au Québec, alors qu’ils sont le troisième au Canada. Ce sont des centaines d’emplois qui dépendent de cette relation transatlantique privilégiée, dont l’élan sera redoublé par le développement du Grand Nord que le gouvernement du Québec annoncera sous peu. De plus, quelque 7 200 étudiants français sont inscrits dans nos universités québécoises, et 2 300 fréquentent nos cégeps. Dans les dix dernières années, les Français ont formé le plus important contingent d’immigrants au Québec.
C’est dans ce cadre que, en octobre 2008, le premier ministre Charest a signé avec le président Sarkozy une entente historique en matière de reconnaissance réciproque des qualifications professionnelles. Comme nous le relate Éric Desrosiers, l’aventure audacieuse du début constitue aujourd’hui une réussite remarquable. Des centaines de travailleurs professionnels et de métier emprunteront un jour ou l’autre ce nouveau pont transatlantique qui facilite la recherche de talents et, du côté québécois, contribue à combler notre déficit démographique. En 2001, la mondialisation fait des quelque 7 milliards d’êtres humains de 2011 des migrants, et nous, Québécois, devons faire en sorte d’attirer ceux qui nous aideront à relever nos défis. Par leurs cultures et leurs réalités socio-politico-économiques respectives, Québécois et Français sont en train de créer un précédent historique qui pourra par la suite s’inscrire dans le traité du libre échange Canada-Union européenne. Qui sait ? Peut-être reverrons-nous des Renault, des Peugeot ou des Citroën sur les routes du Québec…
Cette année, l’on célèbre aussi le 50e anniversaire de notre ministère des Affaires culturelles. Très présent dans nos relations avec la France, ce ministère nous a permis, entre autres, de prendre conscience de notre patrimoine. À ce propos, l’article de Yann Fortier nous fait découvrir un joyau lié à l’exercice du culte. Si les églises québécoises sont bien connues, les orgues Casavant Frères, « fleuron glorieux » du savoir-faire québécois, l’étaient moins. Montréal, dont les festivals sont un poumon économique pour le tourisme dans la métropole, présentera cette année la 13e édition du festival Orgue et couleurs.
Tout compte fait, pour les Canadiens et les Québécois, l’année 2011 débute du bon pied. Il nous appartient d’avoir la vision et le leadership pour ne pas trébucher, même s’il faut se pencher pour découvrir l’envers de la médaille que ce numéro d’hiver de FORCES tenait à montrer.
Bonne lecture !
Montréal, le 24 janvier 2011
Gil Rémillard, président-éditeur
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